La grande misère des Fondettois en 1770
Copie d’une lettre adressée à Monseigneur l’archevêque de Tours, Henri-Marie-Bernardin de Rosset de Fleury (1718-1775), le 17 mai 1770, par Jean Roy, curé de Fondettes.]
Monseigneur,
Je ne suis pas dans l’usage d’être importun, la religion et la charité m’y contraignent.
Votre Grandeur n’ignore pas que ma paroisse est remplie d’un peuple aussi misérable que nombreux ; je suis dépourvu de tout secours pour le soulager.
J’ai fait ce que j’ai pu, ce qui doit être compté pour rien eu égard à la multitude. Mes habitants n’ont rien pu faire depuis la Toussaint ; les pluies les empêchent encore de faire leur ouvrage ; leur misère s’accroit d’un jour à l’autre et se trouve au dernier période ; les uns sont infirmes soit par vieillesse, soit par maladie : on ne pourrait croire combien il y a de gens attaqués du mal caduc, de paralysie, de plaies incurables ; les autres chargés d’enfants qu’ils ne peuvent nourrir à cause de la cherté du pain ; et supposant même qu’ils puissent travailler, il serait impossible de fournir au nécessaire pour la vie et aux impôts dont ils sont surchargés. Les collecteurs enlèvent tous les jours le peu de meubles de ceux qui en ont ; ils vont bientôt saisir les récoltes de ceux qui ont ensemencé quelques petits morceaux de terre et leur ôter toute espérance de pouvoir subsister.
Monseigneur, comment des hommes qui ont jeûné tout l’hiver auront la force de travailler dans les chaleurs ? Nous appréhendons une grande mortalité cet été. Il y a plus d’un millier de personnes dans Fondettes qui jeûnent ; nous ne sommes en sureté ni jour ni nuit ; la faim cause quelquefois le désespoir et peut engager à faire de mauvaises actions, ce qui est à craindre.
Si le Roi accorde quelque chose pour les pauvres, les miens ne doivent pas être oubliés ; le secours proportionné au nombre. De plus, Votre Grandeur possède la terre de Lavaray, la plus forte ferme de la paroisse ; et Monsieur Animé, par rapport à son prieuré de Saint-Venant de Luynes, retire le plus fort revenu de la cure de Fondettes, outre les fiefs et dîmes qu’il a dans cette paroisse. Vous êtes le père des pauvres, votre charité est connue de tout le monde, ce qui me donne lieu d’espérer qu’elle s’étendra de plus en plus sur mes habitants et de me dire, avec la plus parfaite soumission, etc.
Jean Roy