Une résidence d’artistes aux Hamardières, au début du XXe siècle
Un correspondant américain, qui était à la recherche d’informations sur l’histoire de sa famille, a récemment attiré mon attention sur un de ses ancêtres, du nom de Fernand Ochsé, qui aurait vécu quelques temps au manoir des Hamardières, à Fondettes, au début du 20e siècle.
Quelques recherches (qui mériteraient sans doute des approfondissements) m’ont permis de dégager les éléments biographiques suivants.
L’artiste en question, Fernand Ochsé, est né à Paris le 11 janvier 1879. Il est le fils d’Albert Ochsé et d’Alice Dreyfus(1), une famille israélite fortunée du 16e arrondissement de Paris. On connaît à Fernand au moins deux frères aînés, l’un prénommé Robert, né en 1872, l’autre Julien, né en 1874(2), et une sœur cadette, Henriette, née en 1888.
Fernand Ochsé fait ses études de musique au conservatoire de Paris. Il y côtoie des musiciens célèbres, comme Reynaldo Hahn, Maurice Ravel et Arthur Honegger, desquels il restera proche. Honegger lui dédiera d’ailleurs quelques-unes de ses œuvres. C’est alors un beau et élégant jeune homme comme en témoigne le portrait dessiné par Louise Breslau en 1898, alors qu’il a 19 ans (voir ci-dessus).
Julien et Fernand Ochsé se consacrent à l’art. Devenu adulte, Fernand, à la fois musicien, compositeur, peintre et décorateur, vit la plupart du temps avec son frère Julien, poète, et Louise Mayer, la femme que ce dernier a épousée en 1906, dans une riche villa de Neuilly-sur-Seine, dans laquelle les deux frères organisent des salons littéraires.
Louise Mayer(3), jeune femme d’origine belge, née à Forest, dans la banlieue de Bruxelles, en 1884, est une sculptrice reconnue, dont le travail a notamment attiré l’attention de Guillaume Apollinaire(4). On lui doit, par exemple, des bustes de Ravel et d’Henri de Régnier, ainsi qu’un masque de Debussy(5).
Fernand Ochsé compose la musique de chansons sur des textes littéraires, comme « Odelettes », d’Henri de Régnier, « Les Fêtes galantes », de Paul Verlaine, ou sur des textes originaux du parolier Paul Dublin. Il réalise également des décors de théâtre et d’opéra. En 1928, il conçoit les costumes du film « La Chute de la maison Usher », de Jean Epstein, sur un scénario de Luis Buñuel, d’après la nouvelle d’Edgar Poe(6).
C’est sans doute au début de la Grande Guerre, et peut-être pour fuir les dangers du conflit, que les Ochsé arrivent à Fondettes. Henriette, la jeune sœur de Fernand, épouse le 21 décembre 1914(7), Adrien(8), Désiré Etienne (1885-1961), un artiste peintre, qui signe ses œuvres sous le pseudonyme d’Adrian. Le jour du mariage, à la mairie de Fondettes, devant Raoul du Saussay, le maire de l’époque, sont présents plusieurs artistes. Ainsi, parmi les témoins, figurent Fernand Ochsé, Louise, sa belle-sœur, et Jean van Broch, également artiste peintre. La retraite fondettoise des enfants Ochsé ne durera que quelques années, puisque la propriété des Hamardières est revendue en 1924(9).
Après la mort de Julien Ochsé, en 1936 (sans doute d’excès de consommation de drogues), son frère Fernand épouse Louise. Mais quelques années plus tard, l’invasion allemande oblige le couple à fuir Paris et à se réfugier à Cannes. Pourtant, ils sont arrêtés à Nice en juillet 1944 et internés au camp de Drancy. Les démarches d’Honegger pour tenter de les sauver n’aboutissent pas. Louise et Fernand Ochsé font partie, le 31 juillet, du « Convoi 77(10) », le dernier grand convoi vers Auschwitz. C’est là qu’ils mourront tous les deux en août 1944.
Jean-Paul Pineau
Bibliographie :
1 / AD 37 – Registre d’état civil de Fondettes.
2 / https://www.geni.com/people/Robert-Ochs%C3%A9/6000000043078616016
3 / A. Rivière, Sculpture’Elles, Les sculpteurs femmes du XVIIIe siècle à nos jours, Boulogne-Billancourt, musée des Années Trente, mai-octobre 2011, p. 140-141.
4 / P. Read, « Apollinaire critique d’art : la sculpture en question », Cahiers de l’association internationale des études françaises, mai 1995, n°47, p. 405-420.
5 / http://data.bnf.fr/14802925/louise_ochse/
6 / http://www.cinematheque.fr/catalogues/restaurations-tirages/film.php?id=48361
7 / AD 37 – Registre d’état civil de Fondettes.
8 / http://www.galerie-amicorum.com/non-classe/biographie-dadrien-etienne-drian-533.html
9 / A. Montoux, « Vieux logis de Touraine », Ed. CLD, 1990, 8e série, p. 97.
10 / http://www.convoi77.org/les-deportes/liste-alphabetique-des-deportes-du-convoi-77/